Ce regard
J’arrive à un moment de ma vie ou je ne sais pas.
Je ne sais pas où je veux être. Je ne sais pas avec qui je veux être. Je ne sais pas ce que je veux être.
Je ne sais pas qui je suis.
Tout quitter.
Et maintenant ?
Les larmes ne coulent plus.
Et ça me rend triste.
Quelle ironie.
Vouloir pleurer mais ne plus y arriver, donc pleurer plus fort mais rien ne sort.
Est-ce ça que l’on appelle de l’autodestruction?
Vide.
Je suis vide. Putain de vide.
Et pourtant ça bouillonne. Le couvercle va sauter mais il ne saute pas. Alors ça bouillonne mais personne n’arrête le feu. Personne ne vois. Personne n’entend.
Aucun moyen.
Ni la scène, ni mes notes, ni ma voix, ni mon corps, ni mon stylo.
Je ne sais plus comment transmettre, comment me faire comprendre, me faire entendre.
Il y a ce regard pourtant.
J’y ai plongé dedans.
Beau : tout le monde le disais. Mystérieux : c’est ce qu’il montrait. Dangereux : je le sentais.
Mais il était fort. Très fort. Il faisait peur tout en attirant. Comme le vertige. L’appel du vide qui vient titiller la peur de tomber.
Il était vide aussi. Mais il était à la fois plein. Pleins de vie.
J’y ai plongé et je m’y suis noyé.
« Qu’elle a de beaux yeux » m’as-t-on toujours dit.
Mais mes yeux on croisés les siens. Et je ne vous parle pas de beauté là, mais de puissance.
N’y a-t-il pas plus puissant qu’un homme qui tient son regard sur vous sans rien dire en vous faisant voyager pendant une seconde éternité dans son âme ?
J’ai vu la folie. Je me suis vu.
Est-ce que j’ai vu la folie par mon reflet dans son regard scintillant, ou est-ce que j’ai vu la folie par la vision de la vie que porte ses pupilles.
Impossible de vous dire ce que j’ai réellement vu. Impossible de trouver le juste mot qui irait. Impossible de décrire l’émotion qui me traverse quand je l’observe.
Mais je suis persévérante, et j’étais intrigué. Je le savais. Je le savais que ce n’était pas une bonne idée. Mais l’inconnu excite c’est bien connu. Et je voulais découvrir, je voulais savoir ce qui avait, ce qui se cachait derrière ce regard qui me piéger.
« Elle est plus folle que moi » a-t-il dit en rigolant.
Puis j’ai disparu.
Mais c’est un nouveau jour. Je rentre dans la salle avec deux heures de retard, la directrice m’ouvre la porte et je tombe face à face avec ce visage caché par un masque, me montrant juste l’amplitude de son regard. C’était le même. C’était ce regard.
C’était lui me fixant. Ce regard appelait le mien. Assisse à mon bureau, je pouvais sentir la présence de ce regard posé intensément sur moi.
Si j’étais croyante je vous dirais que c’est Dieu. Mais quoi que ça soit, le hasard serait trop grand.
Il m’a eu.