MON TRANSIT
Quelle idée sordide de continuer à vivre alors que d’autres vies s’envolent près de moi et qu’un éclair de souvenir revient surgir mon cœur et me fait perdre toute immersion de lucidité envers la mienne. Souvenirs incessants de tristesse et de remords laissant place à un corps vivant en décomposition. Je crois pourtant, avoir oublié le son joyeux de ta voix. Je suis abasourdi. Un vide incontournable est lié à ma vie comme si je m’emmêlais les doigts dans le fil rouge de mon existence.
J’ai la gorge qui se resserre et l’esprit vagabond, ma respiration saccade et mes membres gesticulent sans leur avoir demandé de le faire. Mes yeux revolvers veulent voir en arrière, se brusquent, s’aveuglent et se déhanchent en l’air, deviennent symétriquement blanc et font en sorte que je ne puisse plus voir cette réalité effrayante. Partir loin, dans un autre monde, ton monde. Les craquements de mes os forment une cadence assez rythmique qui se métamorphose en une créature se nourrissant d’esprits féroces.
Le corps de cet homme refait surface à travers mon esprit en s’emparant de mon corps. Ainsi mon esprit dégage des émotions esthétiquement morbides qui me rappelle le doux souvenir de son sourire, aujourd’hui disparu. La mort n’arrête pas l’amour, mais l’amour conduit à la mort. Ou du moins, à l’attirance envers ce monde inconnu qui hante notre imagination en permanence.
C’est assez ironique ce mot, on lui accorde tellement d’inquiétude que l’on préfère dire «décès».
N’ayez pas pitié des morts, ayez pitié des vivants. Il y a ceux qui naissent avec haine et ceux qui meurent avec amour. Si les meilleurs partent en premiers c’est peut-être parce que la mort est une chance.
La dystopie de sa vie s’est engorgée dans la mienne pendant que lui, je l’espère, rêve paisiblement d’un monde meilleur dans lequel nous nous retrouverons. A travers son souvenir, mon corps délaissé par un autre est en transit entre la mort et la vie. Sa mort a tué mon esprit mais mon âme est encore ici ; son esprit lui erre à mes côtés pendant que son corps joue avec le mien. Les convulsions venant du fin fond de mon ventre me frôlent à la mort en avalant ma langue délicatement glissé dans ma gorge.
Mon cœur est endommagé et je sais que le sien vit aujourd’hui dans le corps d’un autre. Sa mort a donc miraculeusement sauvé la vie de sept autres. Tous ces corps se mélangeant entre la vie et la mort me donnant la nausée, s’assemblent dans un univers parallèle où les esprits pourraient communiquer sans l’ombre d’un crépitement de tristesse.
Le jour se lève et se rendors laissant place à l’obscurité de la nuit, et sur ce silence mes jambes tremblent, et mon esprit s’entremêle, mon corps se contracte, ma respiration m’abandonne et je ne perçois ni vu ni ouïe. Les seules choses que je persiste à voir sont les agitations floues tournant au large haut de mon cerveau. J’explose de sentiments débordants. Je veux m’évader, arrêter de penser ne serait-ce qu’un dixième de seconde à comment est fait ce monde.
Mais qu’est-ce la vie? Quelque fil accroché qui se détacheront et exploseront d’une minute à l’autre? Sans doute. Alors vis comme si demain tu allais mourir, mais meurs comme si c’était mieux que la vie.