Plaisir d’effrayer
Tout petit. Tout petit univers de deux jeunes artistes qui se défoulent.
C’est la nuit, un grand parc, muret à escalader, place lumineuse, sushis végétariens, musiques joyeuses et bédo en bouche. On est bien. On est putain d’bien.
Souvenir palpitant, lien fort qui se créer, on est sur le point d’immortalisé ce moment.
Mais pour une autre raison.
Il est temps de partir, esprits déformés à force de fumer.
Le muret à escalader de nouveau. Nous voilà, en dehors de ce parc.
Face à face avec ce groupe intrusif, trois mecs au regards insistants.
Vous êtes sœurs ?
Vous êtes lesbiennes ?
Vous êtes bourrées ? Droguées ?
Vous voulez de la coke ?
Et toi connard, tu veux mon poing dans ta gueule de merde pour t’apprendre les bonnes manières ?
Dommage, j’ai pas réussi à sortir ces mots de ma bouche.
Encerclé par trois inconnus dérangé, la nuit nous chuchote à l’oreille.
Je connais ces regards, ces tons de voix qu’ils ont.
Alors qu’on devait coupés nos chemins pour rentrer chacune chez soi, je lui dit d’un ton calme
Tu viens, on rentre ?
Nos pas qui se suivent, on marche. Allure simple, droite. On ne cours pas. Surtout pas. Pas tout de suite. Ça les ferait fantasmer. N’aies pas l’air frayée. Respire. Ça va aller.
Leurs pas qui se suivent après les nôtres, ce n’est pas fini.
Et ça cours, et ça s’arrête. Proche. Trop proche. Et ça crie. Et ça rigole. Fort. Trop fort.
Allez prenez de la coke
PUTAIN J’AI ENVIE DE BAISER
Puis silence. Et ça recommence.
Et ça cours, et ça s’arrête. Proche. Trop proche. Et ça crie. Et ça rigole. Fort. Trop fort.
Je connais ce sentiment qu’ils ont. Le plaisir de faire peur. Peut-être qu’ils ne sont pas capable de passer à l’acte physique réel. Mais simplement la jouissance d’effrayer les fait frémir. Espérons. Mais le sentiment que je connais le mieux, n’est pas celui là, ni même celui que j’ai à ce moment-là, mais celui que je sens, à côté de moi. Mon amie. C’est étrange, mais à ce moment-là, je n’ai pas peur pour moi, j’ai peur pour elle. Mon objectif à présent, est qu’elle rentre en sécurité, qu’elle arrive jusqu’à là-bas sans craquer, sans que quoi que ce soit ne se passe.
J’entends sa respiration, mais pas que. Je sens sa tension, qui va exploser d’une minute à l’autre.
Respire. Ça va. Il n’y a rien. Il ne vas rien se passer. On y est bientôt. On rentre. Juste une dernière rue. C’est bien. Ça va. Ne les regarde pas. Il fait juste peur. Ne fais pas attention. Ça ne t’atteins pas. Plus que quelques mètres. Ça va.
Ça y est. On est entré. Porte fermée, Respirations qui reprends un souffle normal.
Assises sur le canapé. Silence.
Je ne sais pas trop ce que j’en pense. Je suis juste contente qu’elle aille mieux.
Je dis que c’est des cons mais qu’il y a pire.
Ce qui vient de se passer, ça s’appelle une agression. C’est tout.
Ouah. Merci. Parce que je ne l’aurais pas dit. Je ne l’ai pas vu comme ça.
Par habitude sûrement, mais ce n’est pas normal.
Parce que cette scène était « moins » grave que certaines dont j’ai vécu, je l’ai minimalisé.
Cela m’a donné la force de gérer une peur, et de me concentrer sur sa peur à elle.
Mais cela m’a aveuglé sur le véritable danger de la situation, qui devient habituel.
Putain d’merde.